Affaire Louveau 4/4


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Affaire Louveau 4/4






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En ce mercredi 5 Octobre 1825, la salle d'audience du tribunal correctionnel de Laval s'apprête à entendre les témoignages des victimes d'Alexandre Louveau. Ils sont 16 à avoir fait le déplacement depuis Désertines, soit quelques 3h de route en diligence. Maitre Antoine Guesdon s'installe, serein. 

Le juge entre dans la salle, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. 
On ouvre le procès par les présentations des membres de la cour ; président de la cour d'assise, juges, procureur du roi et greffier sont annoncés.
On fait ensuite entrer l'accusé, Alexandre Louveau, escorté de deux gardes pour l'empêcher de s'évader, sait-on jamais.

Une fois présentés les membres du jury, le président du tribunal prends la parole.

- Accusé, veuillez indiquer vos noms, prénoms, âge, état, demeure et lieu de naissance.

- Je me nomme Alexandre Louveau, j'ai 28 ans et je suis laboureur au village de Montjean, à Désertines où je suis né. 

- Voici les recommandations que je puis vous faire, Monsieur Louveau : Soyez attentif à ce que vous entendrez, parlez avec décence et vérité.

Puis il se tourne vers les jurés :

- Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre Louveau, de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions

Il les appelle l'un après l'autre et tous répondent par le sempiternel "Je le jure". 

Vient ensuite l'audition des témoins successifs, tous prêtent le serment de parler sans haine et sans crainte de dire toute la vérité et rien que la vérité. 

Le premier témoin à être auditionné est le Docteur Le Tourneux qui rappelle les blessures sur les corps de Marie et de Michèle ainsi que l'épilepsie d'Alexandre, qui s'aggrave. Viennent ensuite les principales victimes de l'accusé. 

La domestique des Louveau, Marie Baudet, explique à la cour ce qui s'est passé cette terrible nuit de mai 1825. Elle raconte aussi au tribunal quelques faits datant d'avant cette nuit :

- Mademoiselle Baudet, pouvez-vous dire à la cour, ce qui s'est passé au lavoir de Désertines, la veille des meurtres ?, demande le procureur.
- Eh bin, j'étais au lavoir avec la Louise Chenu et la Jeanne Bossé. On causait en lavant le linge quand on a vu arriver Alexandre.
- Qu'a-t-il fait alors ?
- Bah, il a ouvert aux bestiaux qu'étaient dans le champs et les a fait sortir. Il était étrange. Il a laissé les bêtes et il a fait mine de frapper sur la barrière, mais il n'l'a touchait point. Pis il s'est mis à crier tout seul. Il disait des mots grossiers que je ne lui avais jamais entendu dire.
- Et ensuite ?
- Bah ils nous a dit qu'il grêlait. Alors qu'il faisait grand soleil. il avait l'air complètement perdu. Nous demandait de regarder en haut, mais y avait rien à y voir. On aurait dit qu'il avait perdu la tête.

Les témoins suivants ne peuvent que confirmer ce qui vient d'être dit. Ils informent la cour des différentes attaques dont ils ont été les malheureuses victimes. Le petit François Badier, 10 ans, vient expliquer aux personnes présentent dans la salle d'audience comment Alexandre Louveau l'a attaqué sur le chemin, lui disant qu'il allait périr. il raconte comment il lui a pris son bâton et l'a frappé avec. Enfin, il remercie M. Le Pourreau qui l'a secourut. 

A son tour, le jeune Henri Durand rapporte sa rencontre avec Alexandre. Les menaces de morts, les coups, la peur qu'il a ressentit quand, tombé au sol, Alexandre lui a posé le pied sur la gorge. Il confit l'espoir qu'il retrouve lorsqu'il entend la voix de M. Poitevin qui lui dit de tenir bon et qu'il vient à son secours. 

Quand M. Guérin, dernier témoin, termine son exposé, Antoine Guédon se prépare. Visage fermé, il se dirige vers le jury et commence sa plaidoirie. 

- Messieurs les jurés, vous avez entendu aujourd'hui pas moins de 16 témoins qui vous ont expliqué les faits et leurs sentiments sur le comportement de M. Louveau. Aujourd'hui, il vous appartient de décider si cet homme à agit en pleine conscience de ses actes et d'en tirer les décisions qui s'imposent. Cependant, tous les témoins, sans exception, vous ont clairement expliqué que ces gestes n'étaient point attendus chez cet homme et qu'il avait semblé pris de folie. Si tel est également votre ressenti, je vous rappelle que l'article 64 du code pénal vous impose de libérer ce pauvre bougre. Afin qu'il n'y ait pas de mécompréhension, je vous lis l'article en question : "Il n'y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister.". La décision vous appartient désormais. J'ai pleine confiance en votre jugement.

Les jurés se retirent pour délibérer et statuer sur le cas d'Alexandre Louveau. Lorsqu'ils reviennent, le juge pose aux jurés les 8 questions que comprend l'acte d'accusation. 

- Question n°1 : Alexandre Louveau, accusé, est-il coupable d'avoir, le 27 Mai dernier vers quatre heures du matin, tenté de commettre volontairement et avec préméditation un homicide sur la personne de Sandrin* Louveau, dans l'habitation de celui-ci, au village de la Coiffetière, commune de Désertines ; laquelle tentative manifestée par des actes extérieurs et suivi d'un commencement d'éxécution n'a été suspendu et n'a manqué son effet que par des circonstances fortuites et indépendantes de la volonté de son auteur ? 


- Non, l'accusé n'est pas coupable. 


Suivent ensuite les 2 questions, quasi-similaires à la première, concernant les meurtre de Marie Foisnet et Michèlle Jamoteau. 


- Non, l'accusé n'est pas coupable. 


Le juge poursuit avec les tentatives de meurtres sur Jean Foisnet, André Daguier, Marie Chartier, François Bordier et Henri Durand. La réponse est toujours la même : l'accusé n'est pas coupable. 

Le juge reprends la parole :

- Aujourd'hui 5 Octobre 1825, nous prononçons le verdict suivant : l'accusé, Alexandre Louveau, est acquitté de l'accusation pour laquelle il avait été traduit devant cette cour d'assises par arrêt de la cour royale d'Angers du 19 Juillet dernier et ordonnons qu'il soit mis sur le champ en liberté s'il n'est pas retenu pour une autre cause.

Antoine Guédon est satisfait. Son client a été mis en liberté. Son travail est terminé.

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Epilogue
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Alexandre est, certes, libéré, mais son destin est scellé. Il n'échappe à la prison que pour finir par être interné à l'asile d'aliénés de Mayenne, où il mourra en 1837, à l'âge de 40 ans. 


Asile de la Roche Gandon, Mayenne



* Sandrin est le surnom de Jean Louveau, cousin d'Alexandre Louveau, lui aussi attaqué pendant la nuit, mais étrangement, cette attaque là semble ne pas avoir retenu l'attention de la justice car elle n'est mentionné qu'à de rares reprises dans l'ensemble du dossier.

Commentaires

  1. Quelle histoire ! On ne sait qui on doit plaindre le plus, entre les victimes et ce pauvre bougre... Une très belle série d'articles en tout cas, merci !

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  2. Noémie, grâce à toi je connais l'intrigue et le dénouement de cette tragique histoire familiale, effectivement , je ne sais vraiment qui est le plus à plaindre dans cette sordide histoire: la famille Foisnet avec la mère et la fille assassinées, les gens gens blessés sur le passage destructeur d'Alexandre Louveau, ou tout simplement celui-ci enfermé dans sa maladie mentale? En tout les cas c'est joliment raconté, et pour tous les détails (genre agencement des habitations, c'était également dans les procès verbaux?Beau travail!!

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    1. Coucou Soizic, la plupart des détails de l'affaire elle même se trouvait dans le dossier du procès, Procès verbaux, verdict d'audience, interrogatoires, déposition des témoins... etc. J'avais plus de 40 documents différents (les témoingages n'en sont qu'un parmi les 40, mais il y a environ 16 dépositions). :)

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