#RDVAncestral - Andouillé, 1901.


Il fait gris aujourd'hui, la pluie menace. Par la fenêtre je vois les arbres bouger dans le vent. C'est un temps à rester chez soi. C'est d'ailleurs ce que j'ai prévu, une tasse de chocolat chaud, un plaid, l'ordinateur portable sur les genoux, je suis devant mon blog. Je scrute les pages de statistiques, cherchant un moyen de faire décoller ce blog qui pour l'instant ressemble à un journal intime qui ferait une opération "portes ouvertes" au mois de Novembre. 

Mes paupières se ferment un peu, j'ai mal dormi la nuit dernière et les enfants se sont levés tôt ce matin. Ils n'en sont pas encore à l'âge des grasses matinées… 

Un bruit me sort brusquement de ma torpeur et je reconnais un sanglot étouffé. Habituée, je murmure entre mes dents, les yeux fermés :
- Arrêtez d'embêter votre petite sœur ! 
J'ouvre les yeux et me lève prête à aller mettre fin à cette crise mais je reste stupéfaite : je ne suis plus du tout chez moi. 

Je ne reconnais pas du tout l'endroit. Seule certitude : je suis dans une chambre, comme en témoigne le lit qui trône au milieu de la pièce.

Ne sachant quoi faire, je me décide à chercher la source des sanglots. A défaut de pouvoir consoler un quelconque chagrin, je pourrais au moins obtenir des informations. Je traverse la chambre à pas de loup et glisse un œil par la porte entrouverte. Une jeune femme est assise à la table de la cuisine et me tourne le dos. Elle doit avoir une vingtaine d'années, Elle tient sa tête dans ses mains. J'aperçois un crayon rouge et une feuille de papier devant elle. Je m'approche sans bruit et jette un œil furtif à cette feuille et aussitôt je la reconnais. C'est une lettre que j'ai déjà vue, aux archives départementales de la Mayenne. Elle était dans le dossier d'enfant assisté de mon arrière-grand-oncle. Alors, cette jeune femme… ça doit être Marie, sa mère. La lettre date du 26 Janvier 1901. J'ai fait un bond de presque 120 ans dans le passé.
Lettre de Marie Evrard
 
Marie. J'ai tellement d'informations sur elle que je n'ai même pas encore tout retranscrit. Il y a tant à lire et a dire sur elle. Toujours surprise d'être là, je la regarde continuer à pleurer sur sa lettre. Doucement, je pose la main sur son épaule. Elle redresse la tête en reniflant légèrement.

- T'es qui, toi ?, me lance-t-elle. 
Le ton est sans appel, je ne suis pas la bienvenue.
- Tu ne me connais pas, Marie. Je viens de loin. Mais je connais ton histoire, j'ai passé de longues heures à la déchiffrer. 
- Ca me fait une belle jambe, tiens !
- Oui, je me doute. C'est bizarre pour moi aussi. J'ai tellement de questions à te poser, Marie. Tellement de choses que j'aimerais savoir. 
- Et tu crois que je vais te raconter ma vie ? Tu rêves !
Je reconnais bien ce caractère de cochon propre à ma famille paternelle.
 
- Est-ce que tu as quelqu'un en ce moment, Marie ? 
- Qu'est-ce que ca peut bin te faire ? 
- Eh bien, je voudrais savoir si tu connais déjà ton futur mari. 
- Mari ? Aucune chance que je me marie un jour ! Je fais ce que je veux. Et c'est pas Eugène qui me passera la bague au doigt, c'est pas le genre.

Elle le connait donc déjà. Eugène Boussé. Le père de ses deux derniers enfants. Le complice d'une de ses arrestations aussi.

Une voix masculine, dure, retentit au dehors. 

- Marie ! Marie ! Où qu'elle est 'core fourrée c'te faignasse ! Marie ! Viens donc dans l'étable, y a la grosse qui vêle ! Viens m'aider, que j'te dis !




Marie soupire, remet papier et crayon dans son tablier et sort sans même me regarder. Elle a décidemment un fort tempérament, du haut de ses 24 ans. Je la regarde et sourit, je suis sûre que je la reverrai un jour.

" Maman ! Maman ! C'est la petite soeur, elle a tout cassé ma maison en Lego !"

La réalité me rappelle à elle et me voici de nouveau dans mon fauteuil, mon plaid et mon ordinateur sur les genoux. Je jette un dernier regard par la fenêtre, comme si je pensais y voir Marie puis vais tenter de calmer les enfants.






Les images d'illustrations sont toutes issues du site Delcampe.

Cet article est mon premier essai dans la catégorie "Rendez-vous Ancestral". Le principe est simple : Le 3è samedi du mois, on vous fait voyager dans le temps, sans Delorean volante et depuis votre canapé, pour aller discuter avec un de nos ancêtres, directement. 

Commentaires

  1. Un moment sans doute très difficile pour elle malgré les apparences qu'elle veut donner... (Moi aussi j'ai hâte que mon fils fasse des grasses mat'! 😅)

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    1. Je n'en suis pas si sure… Plus j'avance dans mes recherches sur elle et plus je me pose de questions.

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  2. Entrée fort réussie dans la ronde du #RDVAncestral, il faut admettre que nos ancêtres avaient aussi du caractère !

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    1. Et encore ! Marie reviendra vous montrer que là, elle était sympa ! :)

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