Sacré bonne femme !

Dans mon arbre personnel, il y a quelques ancêtres qui ont nécessité plus de recherches ou ont donné plus d'informations que prévu. Parmi eux, il y a Marie. Je vous avais déjà parlé d'elle, rapidement, lors du challenge AZ 2019. Je vais tâcher d'en faire un portrait plus complet et plus fidèle ici. Elle est sans conteste, l'une de mes aïeules préférées. J'ai longtemps cherché de quelle manière vous présenter sa vie, j'espère que cet article lui rendra un humble hommage. 

Marie Rosalie EVRARD

De 0 à 18 ans


Marie est née le 18 Novembre 1876 à La Chapelle Anthenaise, bourgade de 716 habitants, située à 10 km du centre de Laval. Elle est la fille de Ernest Evrard et de Virginie Meignan, qui se sont mariés le 16 juillet précédent. Est-ce la grossesse qui a motivé le mariage ? Possible.

Virginie a déjà un enfant de 10 ans, né de père inconnu et prénommé Louis Julien, d'abord placé en pension puis chez sa grand-mère ensuite. Il ne vit donc pas avec le couple quand Marie nait. 

De son enfance, je ne sais pas grand-chose hormis qu'elle la passe seule avec ses parents, au hameau du point du jour, à la Chapelle Anthenaise. 

A-t-elle des contacts avec son demi-frère ? Probablement. 

18 ans : premières incartades

Le 10 février 1895, vers 10h, d'après l'article ci-dessous, Marie "Rallu"* EVRARD, alors au service des Dellière à Changé, et a priori enceinte se voit priée de quitter son poste par sa patronne. Elle quitte la ferme sur-le-champs et disparait. 

Je retrouve sa trace dans un autre article paru en mars, à Louverné. Elle est témoin d'un vol de lapin chez les Sœurs du village. Mais à la lecture de l'article et ayant du recul sur la vie de Marie… j'aurais tendance à penser que Marie et la femme Debray étaient coupables et qu'elles ont fait porter le chapeau à leurs patrons.  


Le 8 avril 1895, elle est condamnée à 6 jours de prison, pour vol, sans plus de précision dans les journaux ou le registre d'écrou. Est-ce à cause de ce lapin ? 

Le 7 Juin 1896, Ernest, le père de Marie, meurt. 

De 20 à 25 ans : les enfants 


Le 10 Août 1897, c'est la naissance de Léon Ferdinand, son premier enfant. Alors qu'elle habite près de Laval, c'est à Mayenne que nait son fils. Enfant naturel qu'elle abandonne aussitôt déclarant qu'elle ne peut pas s'occuper de lui, même avec les secours et layette que l'état pourrait lui fournir. 

Le 9 Janvier 1899, nouvelle naissance à Mayenne, cette fois c'est Yvonne Marie EVRARD qui nait. Là encore, Marie abandonne aussitôt son enfant aux soins de l'assistance. 

Pourquoi abandonner ses deux enfants ? Et qui en est le père ? Ce sont deux questions qui resteront surement sans réponse. 
Pourtant, elle envoi cinq courriers à l'inspecteur des enfants assistés, en l'espace de 2 ans, pour demander des nouvelles de ses enfants. On lui répond, laconiquement, qu'ils sont vivants, que le leur santé laissent à désirer mais qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, qu'on s'occupe d'eux maternellement. J'aime croire qu'elle les aimait et n'était pas dénuée d'instinct maternel. Que peut-être, elle n'avait pas la possibilité matérielle de les prendre en charge. 

Le 22 Novembre 1900, à l'âge de 24 ans, Marie donne naissance à François Marie, à Mayenne également. Encore une fois, elle abandonne son enfant à l'assistance. Le 28 Janvier 1901, elle envoi le courrier suivant à l'inspecteur des enfants assistés : 

Transcription (j'ai corrigé quelques grosses fautes gênant la compréhension, mais le reste est authentique) : 
Monsieur, 
c'est aujourd'hui que je m'empresse de vous écrire ces quelques lignes c'est pour vous demander si Monsieur voudrais bien m'envoyer mon enfant pour la fin de Février car je pense en gagnant 200fr et puis ma mere qui gagne 240 Fr et puis mon frère 300fr car c'est eux qi veulent que je le reprendre car il on a dire que cela en fait trop du moment que l'on pense pouvoir l'élever et encore ma mere elle a de l'argent de placé a la caisse d'épargne elle préfère autant le manger a l'élever comme de le laisser par conséquent je pense que monsieur Geaudefoie voudra bien me le donner et je pense qu'il me dira quand il faudra aller le chercher car j'ai encore que la nourrice de trouver c'est pour cela que je préfère que monsieur me récrivez pour pouvoir être sur afin que je puisse lui acheter des effets. 
Rien autre chose a vous demander que de vous souhaiter le bonjour et une bonne santé. 
Voici mon adresse Marie Evrard, chez Monsieur Tennniere a la petite Pelardiere d'Andouillé
et voila le nom du petit garçon : Francois Marie Evrard né le 22 Novembre 1900
et je pense aussi que monsieur Geaudefoie me refusera pas non plus le secours. 

L'assistance aux enfants mande alors le maire de Saint Germain d'Anxure (où habite Virginie Maignan) de se renseigner auprès d'elle sur la véracité des informations données par Marie. La Réponse est sans équivoque : la mère n'a pas de ressource en dehors de ses gages et ne pourrait aider sa fille ; elle ajoute également "qu'elle n'a pas grande confiance dans la conduite de sa fille qui d'ailleurs n'avait également pas d'argent et pouvait à peine suffire à ses besoins personnels. En conséquence, la veuve Evrard [Virginie Maignan] n'a jamais engagé sa fille à reprendre son fils, certaine à l'avance qu'elle ne pourra jamais l'élever sans secours."
La demande de Marie est donc rejetée et François reste placé. 

De 25 à 35 ans : Eugène


Le 26 Mars 1902, Marie met au monde son quatrième enfant nommé Eugène Marie. A sa naissance, il est noté "de père inconnu" et il le restera jusqu'au mariage de Marie avec un certain Eugène BOUSSE, où il sera officiellement légitimé. Marie et Eugène semblent s'être connu à Andouillé dans une ferme où ils étaient domestiques tous les deux, entre 1899 et 1901. 

En Janvier 1904, nouvelle coupure de presse. Cette fois, elle ne concerne pas que Marie, mais aussi son conjoint. 
Je n'ai pas retrouvé le procès-verbal dont il est question, mais je pense l'article suffisant pour comprendre que Marie et Eugène n'ont déjà pas très bonne réputation. 

Dans le recensement de 1906, je retrouve Marie, toujours à Andouillé, mais cette fois, elle n'est plus domestique. Elle est employée par la "Société Française amiante du Cap".

Deux ans plus tard, Marie a 31 ans. Le 22 Juillet 1908, elle est de nouveau devant la justice. Cette fois, c'est une affaire de coups et tapage injurieux (le deuxième article parle aussi d'attentat à la pudeur, ce qui n'est pas mentionné dans le registre d'écrou), qui la conduit en prison pour 15 jours et la comdamne à 11 fr d'amende. Eugène, qui, si j'en crois l'article, a autant de courage qu'un chihuahua, prends 15 jours de prison aussi  (ces chiffres sont ceux du registre d'écrou). Qui s'occupe alors d'Eugène qui n'a que 6 ans ? Aucune idée. 


1911 est une mauvaise année pour Marie. Le 17 Avril, c'est le décès de Virginie Meignan, sa mère. 
Le 24 mai, elle est condamnée à 8 jours de prison pour avoir tenté de voler une pièce de 5 Francs. 

A-t-elle vraiment pris cet argent pour faire dire des messes pour l'âme de sa mère ? Mystère. 
Elle sort de prison le 20 Juin. Un mois plus tard, elle est de retour au tribunal mais cette fois, c'est en tant que mère d'Eugène Marie. (Cet évènement fera l'objet d'un article le mois prochain). 

Cette année mouvementée se termine par le mariage de Marie et Eugène BOUSSE, le 15 Décembre 1911.

Il semble que Marie ait alors décidée de se tenir tranquille, je ne la retrouve qu'à la naissance de sa fille, Marthe, le 24 Décembre 1919. Je n'ai trouvé aucune information sur Marthe, hormis les informations de naissance et de décès fournies par les registres de décès de l'INSEE et le recensement de 1926 qui m'indique qu'elle vit avec ses parents. Ce qui est surprenant mais j'en reparlerais le mois prochain. 

Marie meurt le 27 Février 1929 au 2 Rue Saint Anne, à Laval, qui est l'adresse de l'hospice Saint-Julien. Malgré mes recherches, je n'ai pas pu trouver son dossier médical ou quoique ce soit qui m'indiquerait la cause de sa mort. 

Eugène lui survivra 3 ans. 

A quoi pouvait bien ressembler Marie ? 


Je ne dispose, malheureusement, d'aucune photo de Marie. mais grâce à ses différents passages par la case prison, j'ai 3 descriptions d'elle, aussi précises que le Bertillonage** le permettait. 

Marie mesure donc 1m53.4, elle a les cheveux châtains blonds, ses yeux sont notés "i.m." et "ard f", elle a le menton rond ou saillant, le teint coloré et le visage ovale, elle porte la cicatrice d'une brulure entre l'oreille et la tempe gauche. 







* Rallu est le nom de famille d'accueil de son père.
** Le bertillonage est l'ancêtre des portrait robots, système complexe de mesure, plus ou moins précises, permettant, en principe, l'identification des criminels, même sans photographie. Je vous invite a lire cet article si vous voulez en savoir plus : Cairn.info

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