#RDVAncestral - 19 Janvier

- Alors, il me reste encore le montage du gâteau. Une partie de la mousse vanille, des fruits frais… 
Je baragouine toute seule devant mon plan de travail. 

"PFFFFFIP"

Quel est ce bruit ? C'est étrange, je ne reconnais pas ce son. 
Bipbip bip bipbip. Je me retourne et cherche l'origine de ces bips agaçants… et me retrouve nez à nez avec une jeune femme d'une vingtaine d'année. 
- Mais qui … ?
- Je n'ai pas le temps de t'expliquer. Viens, je t'emmène. 

Joignant le geste à la parole, elle pose sa main sur mon bras et un flash de lumière blanche m'ébloui. Le temps de rouvrir les yeux, je ne suis plus dans ma cuisine. Ma cuillère toujours en main, j'observe le paysage. Le village me semble familier mais pourtant je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi je le trouve différent. J'y vit pourtant depuis quelques années. 


Ma kidnappeuse me tient toujours pas la main et trafique un objet électronique qui me fait penser à nos smartphones mais en beaucoup plus fin. 

- Où sommes nous ? 
- Pas où, mamie, quand. Nous sommes le 19 Janvier 2081, je t'ai fait faire un bon de 60 ans dans le futur. 
- Mamie ? Dans le futur ? Mais ça ne va pas du tout ! C'est moi qui suis censée faire un bon dans le passé pour le rendez-vous ancestral d'aujourd'hui. Je ne suis pas supposée ETRE l'ancêtre ! 
- Je sais, mamie, mais disons que j'ai pris quelques libertés. En fait, nous lisons ton blog depuis tout petit, les cousins et moi. Et tes articles nous ont conduit à être très curieux de notre passé, de notre famille. Et cette année, d'un commun accord avec toute la famille, nous avons décidé de te faire voir le futur de notre famille. 
- Ah non ! Non ! Non ! Non ! Tu n'as jamais vu "Retour vers le Futur" ? Je ne veux pas créer de paradoxe ni de rupture du continuum espace-temps !!! 
- Bien sur que je connais ce vieux film ! Mais nos connaissances actuelles ont permis de résoudre ce problème. Le moniteur que je tiens m'alerte dès que j'atteins une zone sensible du temps. C'est très sensible, ne t'inquiète pas. 
- Bon. Si tu le dis. Alors tu veux me faire rencontrer la famille… je suppose donc que je suis morte depuis assez longtemps. Mais non ! Non, ne me dis rien ! Je ne veux pas savoir. Allons-y. 
Je fais deux pas et me retourne à nouveau :
- Mais au fait comment t'appelles-tu ?
Elle sourit avant de répondre dans un murmure. 
- Nous portons le même prénom, mamie. 

Un peu émue, je me laisse guider par Noémie jusqu'à une maison qui semble avoir été construite dans mon époque. Je n'aime d'ailleurs pas ce style de maisons carrées, un peu grise un peu blanche. Ma descendante m'ouvre une porte et je me retrouve dans un salon épuré et clair. C'est très lumineux. Mon regard se dirige vers une vitrine en verre où se trouvent des photos et des diplômes. Je reconnais l'une des photos, elle a été prise il y a 1 an environ, au baptême de ma fille. C'est la dernière photo de groupe où mon père apparaît, avant qu'il ne meurt. Encore une fois, je suis émue. Je n'ose pas regarder les autres photos, au risque de m'y voir vieillie ou pire… absente. 

Ma petite-fille me regarde et me désigne une porte dans le couloir qu'elle m'encourage à traverser. Je tourne la poignée, ouvre, et vois des dizaines de visages souriants. Je fonds en larme, j'ai reconnu mon fils ainé, assis au bout d'une table. Un rapide calcul de tête m'apprends qu'il a plus de 67 ans. A ses côtés, je reconnais ses deux frères et sa petite sœur. Tous les autres me sont étrangers mais je ne me sens pas intimidée. Mon mari n'est pas là. Est-il mort ? Il aurait 95 ans, c'est possible. Dans tous les cas, je ne veux pas savoir. La petite voix de Marty Mc Fly ne cesse de me dire de ne pas en savoir trop.

Noémie me sort de mes pensées.
- Mamie, le moniteur s'affole. Nous ne pouvons pas rester longtemps. Je vais devoir te ramener. 
J'acquiesce mais prends le temps de serrer mes enfants dans mes bras avant de la rejoindre. 

Nous nous sourions doucement, puis elle appuie sur son moniteur et dans un éclair blanc, nous nous retrouvons dans ma cuisine. Un dernier regard et Noémie disparait. 

Je pleure encore quelques instants, l'image de mes enfants et de leurs enfants encore en tête. Mon regard se pose alors sur ma cuillère que je n'ai toujours pas lâchée. J'éclate de rire puis me souviens : il me reste encore à finir le montage du gâteau d'anniversaire des mes jumeaux. Après tout, aujourd'hui, nous fêtons leurs 5 ans ! 

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